Pour son septième long-métrage, Alexander Payne s’aventure sur les chemins de la satire. En mêlant habilement comédie et science-fiction, Downsizing étonne… Pour un moment.
Matt Damon cultive l’allure d’un simple quidam depuis un certain temps. Un choix visiblement judicieux puisque certains réalisateurs ont vu en lui le candidat idéal de leurs dernières comédies. Ce fut le cas de George Clooney pour le récent Bienvenue à Suburbicon et c’est désormais celui d’Alexander Payne pour Downsizing. Ces deux films prennent d’ailleurs l’allure de la fable pour délivrer un sous-texte grinçant sur la société actuelle. Là où le premier évoquait (assez maladroitement) le racisme de la classe moyenne américaine, le second s’attaque à la destruction de l’environnement via nos modes de consommation… Entre autres.
Des scientifiques scandinaves arrivent à mettre au point une technologie permettant de rétrécir les humains à une taille d’environ douze centimètres sans effets secondaires. Si cette technique (nommée « downsizing ») présente des bienfaits environnementaux dans un monde de plus en plus peuplé, elle s’avère très intéressante sur le plan financier. La classe moyenne y voit elle une alternative pour une vie fastueuse étant donné que les prix sont eux aussi divisés. Paul Safranek et sa femme décident de faire ce choix irréversible, mais la vie qu’on leur a vendue n’est peut-être pas si parfaite.
Si l’idée parait saugrenue, ce postulat de base laisse place à de nombreuses possibilités. Conscient des avantages du processus, le spectateur va lui-même prendre de l’avance sur le récit en imaginant les bienfaits d’une telle vie… Mais aussi les immenses dangers auxquels elle pourrait nous confronter. Payne accompagne ces visions de façon efficace, par intermédiaire de saynètes aussi décalées que convaincantes. L’impression de béatitude qui émane de ce paradis artificiel n’a rien à envier à celle créée par Peter Weir dans The Truman Show. Mais il fait également de cette divertissante balade une véritable piste de réflexion vers des sujets plus profonds.
Dans une société où tout le monde a de l’argent, ceux qui en ont plus doivent malgré tout se différencier. C’est le cas du voisin de Paul, incarné par un Christopher Waltz décidément sur tous les fronts. Dans un des dialogues les plus réussis du film, ce dernier lui explique que le schéma néolibéral auquel les gens pensent avoir échappé se perpétue jusque dans leur maison de poupée.
Ce soliloque percutant laisse planer le début d’une analyse cinglante de nos sociétés capitalistes, qui sous couvert de bonnes intentions, se révèlent de formidables machines à broyer les plus faibles.
Impression renforcée par la découverte de l’envers de ce décor, dont les plus modestes ne profitent que de loin, entassés dans des ghettos. Paradoxalement, c’est le moment que choisit Payne pour faire basculer son film dans un mélo nettement moins convaincant. Refroidi par le système qu’il vient de voir, Paul rencontre une ancienne dissidente politique vietnamienne (Hong Chau) qui lui fait réaliser qu’aider les autres et protéger la nature sont des notions plus importantes que son propre confort. Sans en dévoiler plus, ils se mettent alors en tête de rejoindre une communauté souhaitant s’exiler du monde moderne pour protéger la race humaine de sa propre extinction.
Si Hong Chau arrive plutôt bien à incarner l’énergie du désespoir, Matt Damon semble trop pataud face au reste du casting. On regrette également que la question écologique, présentée assez abruptement, soit traitée de manière aussi légère. Le premier acte, inventif et divertissant, se transforme en un drame cotonneux, qui dépeint les acteurs de l’environnement comme des babas cool idéalistes. Cela donne parfois lieu à des scènes agréables, mais la dynamique globale est enrayée. Il y avait pourtant matière à faire évoluer le récit en restant ironique face à ces écolos-survivalistes aux allures doucement sectaires.
En voulant traiter une multitude de sujets, le réalisateur se perd en route et dilue la force de son propos initial dans des divagations qui traînent en longueur. On se retrouve ainsi face à une œuvre qui ne décide jamais ce qu’elle veut être, alors même qu’elle tenait le bon bout.
Malgré son aspect saugrenu, le postulat de base de Downsizing laissait lieu à une introspection assez réjouissante de nos modes de vie. C’est d’ailleurs le cas lors de la première heure, qui se révèle être une astucieuse critique de la société de consommation occidentale. Hélas, le film prend ensuite une tournure mélodramatique et s’éparpille en concepts, ce qui lui fait perdre beaucoup de son mordant initial. À voir trop grand, Downsizing reste petit.
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